Le lundi 10 sept 2007
Katia Gagnon
La Presse
Au début, entre la maman et le nouveau-né, il y a une sorte de roue. On ne la voit pas. Elle est dans leur tête. Bébé pleure. Il se demande si quelqu’un va venir. Toujours, maman vient. Elle le nourrit s’il a faim. Le change. Le berce. C’est une sorte de valse qui, dans le cerveau du bébé, construit peu à peu la certitude suivante: je suis important.
C’est ce qui arrive à la majorité des enfants.
Mais, parfois, la roue ne tourne pas rond. Maman ne vient pas. Ou alors elle vient, mais elle est très fâchée. Peu à peu, dans le cerveau du bébé, se construit la certitude suivante: je ne vaux rien.
En grandissant, cette roue qui ne tourne pas rond produira un enfant au cerveau carencé, dont le système émotif et relationnel sera détraqué.
«L’enfant est programmé pour entrer en contact avec l’adulte. L’adulte doit répondre. S’il ne répond pas, l’enfant s’adapte. Comme il s’est adapté en bas âge, ça devient sa carte relationnelle.
À 1 an, l’enfant ne parle pas encore, mais l’attachement est déjà fixé», explique Michel Doucet, psychoéducateur, spécialiste de l’attachement et conseiller clinique à la Maison.
Que fait donc cet enfant mal-aimé devant les adultes? Il les évite, parce qu’ils sont source de souffrance, quitte à nier ses propres besoins. Ou il s’accroche à eux, parce qu’il doute de leur constance. Ou alors il a peur des grandes personnes et il hésite sur le comportement à adopter, ce qui, souvent, le paralyse.
Avec les années, ces enfants deviendront des adultes qui risquent de reproduire ce modèle d’attachement vicié avec leurs propres enfants. «Il y a une ligne qui part des grands-parents, des parents, puis des enfants. À peu près prédictible à 70%», ajoute Michel Doucet.
Évidemment, le trouble de l’attachement peut être plus ou moins important. À son paroxysme, il devient une maladie psychiatrique répertoriée. Bien sûr, plus l’enfant est traité en bas âge, plus on peut espérer changer le cours des choses. Pour guérir, il lui faut un milieu de vie sain et surtout, une figure d’attachement claire qui lui donnera «chaleur, cohérence, prévisibilité», résume Michel Doucet.
Parcours type des tout-petits de la DPJ
- 6110 petits de 5 ans et moins ont été suivis, cette année, par les services de la Direction de la protection de la jeunesse du Québec.
- 4152 de ces enfants, les cas moins lourds sont suivis dans leur famille naturelle par la DPJ.
1958 autres sont placés en famille d’accueil. - 25, les cas les plus difficiles, sont placés en ressources intermédiaires, comme des foyers de groupe ou la Maison dont nous parlons dans ce reportage.
- 6 ANS – À partir de cet âge, les cas difficiles peuvent se retrouver en centre de réadaptation.
206 enfants y sont hébergés à l’échelle du Québec.
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